LE DESSIN-AVENTURE : Dwarf and Vamp Queen, Michael Gauss


Oeuvre analysée :

Dwarf and Vamp Queen, Michael Gauss đź‡¨đź‡¦ (2016)



Difficile de dire, en voyant cette œuvre réalisée par Micheal Gauss en 2014, si le sentiment qu’elle dégage est celui d’un élan épique ou d’un certain attrait macabre. Une sorcière hurlante enchantant de ses pouvoirs un guerrier nain lourdement armé, voilà le combo pour créer à la fois un artwork mettant au centre de sa mise en scène une cohésion sans faille, mais aussi un soupçon fantastique ayant quelque chose de plus sombre qu’il n’y parait.

C’est dans ce court numĂ©ro du Museum d’Entretoile que nous allons revenir sur cette Ĺ“uvre de fantasy sans prĂ©tention, sans doute rapidement rĂ©alisĂ©e et anecdotique dans le travail de son auteur. Voyons ce que nous pouvons tirer de « Dwarf and Vamp Queen Â», l’œuvre Ă©tudiĂ©e aujourd’hui.

L’auteur, justement. Michael Gausse ou Helmutt sur Deviantart, est un artiste freelance canadien de la province de Skatchewan, spécialisé dans l’animation 2D et 3D ayant par le passé travaillé à la télévision. Ses illustrations sont majoritairement des commandes pour des couvertures de livres, et celle que nous allons étudier aujourd’hui n’échappe pas à cette règle. Nous y reviendrons plus tard.

L’artwork reprĂ©sente deux personnages : une sorcière vĂŞtue d’une cape violette et d’une robe aux contours dorĂ©s, brandissant une lance enchantĂ©e d’une main, et ensorcelant le second personnage de l’autre. Ce dernier est reconnaissable dans l’iconographie de la fantasy comme un nain, lourdement armĂ© de ses deux haches et lourdement protĂ©gĂ©. Il arbore une position dynamique, tandis que le sol de roche s’envole et s’effrite sous ses pieds. Règne de cet artwork un Ă©lan martial et quelque chose de l’ordre du malĂ©fique, de l’étrange.

Cette illustration est en réalité la couverture du quatrième roman de la saga de High Fantasy Catalyst of Chaos, paru sous le nom Clash of Catalyst, par l’écrivaine C. Greenwood. C’est une auteur particulièrement prolifique puisqu’elle a étoffé son univers sur quatre sagas avec un total de 16 romans, publiés sous différents formats mais jamais paru en France, puisque tout cela m’a l’air d’être une auto-édition bien menée. Cet univers semble avoir une fanbase solide, ce qui est tout à son honneur.


Le roman Ă©tant paru en 2016 et l’illustration rĂ©alisĂ©e en 2014, l’artiste semble avoir eu une certaine libertĂ© crĂ©ative, comme en tĂ©moigne la description de l’artwork Ă©crite par l’artiste : « Cette couverture Ă©taient très amusante Ă  rĂ©aliser. A la base, je n’avais pas pensĂ© Ă  rendre le sol Ă©clatĂ© comme il l’est, c’est quelque chose qui m’est venu pendant que je dessinais l’œuvre. Quand je travaille, j’ai tendance Ă  modifier des choses, essayer de nouvelles idĂ©es et me laisser faire. J’ai une idĂ©e globale et je sais oĂą je vais, mais la manière dont j’y vais est sujette Ă  des rebondissements. Â»

L’aveu de l’illustrateur a ici quelque chose de poĂ©tique : concevoir le dessin comme un voyage, un peu Ă  l’image des parcours initiatiques des romans de fantasy. Etant donnĂ© qu’on lui demande de rĂ©aliser des couvertures pour ce genre de littĂ©rature, une telle dĂ©marche, cohĂ©rente avec le rĂ©cit, est tout Ă  fait respectable. De plus, il Ă©voque ici une question artistique primordiale : l’importance du processus, de la rĂ©alisation dans une Ĺ“uvre, qu’elle passe par des coups de pinceaux visibles, ou comme ici par le cheminement crĂ©atif d’un illustrateur.
Cependant, ce n’est pas le seul moyen qu’utilise l’auteur de cette œuvre pour rendre cohérent la dimension fantasy du récit à celle de l’artwork.

Tout d’abord, soulignons la composition-mĂŞme de l’œuvre de Micheal Gauss. Le maĂ®tre-mot est le dynamisme, et cela passe par les lignes de forces, convergeant vers un mĂŞme point, les regards et les armes rivĂ©s vers l’extĂ©rieur du cadre. Le choix d’armer le vampire d’une lance marque ces lignes et structure le tableau. Le drapĂ© de la cape du nain et du vampire donne Ă  cet effet d’élan, tandis que la posture des deux personnages, prĂŞts Ă  sauter sur l’ennemi, renforce cette impression. De plus, le cadre est rempli de la prĂ©sence de ces personnages, peu de place est accordĂ©e au dĂ©cor qui peine Ă  surgir au premier plan sur le cĂ´tĂ© droit de l’œuvre. L’importance de cette Ĺ“uvre rĂ©side dans un Ă©lan plus que dans un contexte.

D’autre part, je parlais de cette impression de malaise, d’un côté maléfique surgissant de l’artwork. Cela est sans doute dû à la couleur sur laquelle nous reviendrons, mais aussi quelques éléments de dessin. Je souhaite m’attarder sur les yeux du vampire. Choisir de ne pas dessiner la pupille du vampire a une symbolique très forte dans l’iconographie de la fantasy. Il est synonyme soit de divinité, de mage surpuissant, mais aussi de possession par une entité supérieure ou empris sous un sort. En bref, cette absence de regard fait appel à quelque chose qui dépasse notre humanité, symbolisé par l’œil. Le faire disparaître, c’est faire disparaître une part d’humanité au personnage, que ce soit pour le déifier ou pour le rendre démoniaque. Par déduction, au vu du titre présentant le personnage comme un vampire, nous sommes en doit de nous dire qu’il s’agit d’une magie noire qui est à l’œuvre et qui prend possession de cet être.


D’ailleurs, la couleur aide Ă  accentuer cette reprĂ©sentation. La couleur dominante de l’artwork, vous l’aurez devinĂ©, est le violet. Nous avions effleurĂ© le sujet lorsque nous Ă©tudions End of Godliness deHong Kuang, la couleur violette a un lien intime avec la magie noire. AssociĂ©e Ă  la tristesse, Ă  la pĂ©nitence, les liens iconographique entre le violet et le noir sont Ă©troits, d’ailleurs, le violet Ă©tait appelĂ© « subniger Â» - sous-noir - au Moyen Ă‚ge, en a donc portĂ© ses symboliques. RĂ©appropriĂ© ensuite par l’occultisme, sa prĂ©sence dans les Ĺ“uvres de fantasy, car un couleur seule ne dit rien sans son contexte, est annonciatrice d’une aura malfaisante qui emplie ici le cadre. Les rehauts blancs dĂ©jĂ  abordĂ©s marquent des points nĂ©vralgiques de ce halo magique. Le dorĂ© est Ă©galement très prĂ©sent, contrebalançant le cĂ´tĂ© terne de l’ambiance gĂ©nĂ©rale, et apportant sans doute une dimension plus noble, donnant la teinte High Fantasy recherchĂ©e par l’écrivaine.

On assiste ici Ă  un artwork de fantasy total. Que ce soit par les choix iconographiques, l’ambiance gĂ©nĂ©rale, ou encore la simplicitĂ© globale de l’œuvre : montrer une dynamique. Une dynamique qui, selon moi, fait appel Ă  autre chose, Ă  savoir une dimension rĂ´liste. Que ce soit la posture des deux personnages, leurs diffĂ©rences Ă  la fois de race (nain et vampire) et de classe (guerrier et sorcière), en les montrant en train de mettre Ă  profit leurs capacitĂ©s, je ne serais pas Ă©tonnĂ© de savoir que Michael Gauss jette des dĂ©s autours d’une table, tandis qu’il vit de palpitantes aventures.

Cette sincérité propre à cette œuvre, rapportant des impressions sans doute vécues autours d’une table de jeu, faisant appel à l’imagination pour se représenter les scènes se déroulant, est selon moi le nerf central de cette œuvre. C’est en ça que réside son efficacité. L’auteur ne cherche pas ici à réaliser une fresque ou à faire appel à une impression de gigantisme pour insuffler ce souffle épique, mais bel et bien à un moment, une tranche d’aventure où deux personnages se battent ensemble, en retranscrivant l’ambiance vécue autours de la table, lorsqu’un guerrier nain et une sorcière vampire aux pouvoirs maléfiques se sont entraidés lors d’un combat épique.

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